vendredi 13 février 2009

Archéo-logis

Une fois n'est pas coutume, la rédaction du Paris à Part migre vers le Nord, direction Lille. Car la capitale des Flandres compte aussi bon nombre de recoins cachés...

Ne pas se fier aux apparences. En fouillant dans les villes, on dégage des trésors cachés. La cour des Brigittinnes enfouie dans le quartier Saint-Sauveur à Lille en est un. Et l’on remercie les bulldozers d’avoir été un peu négligents à son égard. 
  Remonter le temps est parfois un parcours du combattant. Et il faut la mériter cette courée ! Dix fois, on passe devant sans la remarquer. Il faut dire que le béton des Trente Glorieuses a beaucoup coulé ici. Rue Gustave Delory, un parking, une dalle, une barre HLM de 13 étages. En bande sonore, le mugissement monotone des moteurs à explosion chatouille une migraine naissante. Nuages bas, lumière blanche. 
De grosses barrières rouges, aux fonctions mystérieuses, pimentent un peu le paysage. Un preste saut et les voilà enjambées. Il s’agit maintenant de se tailler un passage entre les épis de voitures. Mais voici déjà au loin une vision d’espérance : une belle rangée de poubelles. Deux par étages, soit 26 tout de même, estampillées du slogan orange vif « Le truc c’est le tri ! ». Le second truc c’est que tout à coup, le sol a changé. Finie l’asphalte lisse gris-ennui, la semelle est dérangée par des irrégularités. Damned, des pavés !  Alors, on lève le nez, et l’on avance un peu. La « rue des Brigittinnes » indique un panneau bleu. Comme il est loin, Le Corbusier. A trois mètres, et trois siècles. Des vieilles bâtisses aux volets colorés bordent une petite rue en équerre. Pas une voiture, pas un chat, pas un bruit. Une ampoule éclaire le salon d’une maisonnette. Le béguinage du XVIIe siècle est donc habité! J’avais cru y voir des ombres et une bougie… Les Brigittinnes, c’est le nom d’un couvent à la réputation sulfureuse. Vie sévère, mortifications répétées. 

En 1605, les religieuses s’y amusent à quelques interventions exorcistes, et frôlent le bûcher. Alors, en se promenant dans ce qui subsiste du monastère, on comprend bien que sa préservation n’est due qu’aux puissances ésotériques. 
 

Catch me if you can


Ils courent, ils volent même ces garçons. S’agit-t-il d’une publicité pour la dernière paire de Nike? Si la bulle d’air permettait ce genre de pas de géants, tous les petits poucets en quête de sensations auraient leurs entrées au Foot Locker, c’est sûr. Et particulièrement ceux qui sont venus manifester leur soutien à la population gazaoui en ce dimanche de janvier. Car la longue marche à travers Paris touche à sa fin, et maintenant, il faut courir. Le plus vite possible. Alex Anger, photographe indépendant, les a suivi dans cette course folle. 

Il est 17h30, les CRS viennent de charger. Arrosés par une averse de projectiles depuis une demi-heure place de la Madeleine, les casqués répliquent. Ça sent la matraque, et une course-poursuite s’engage dans les petites rues du VIIIe arrondissement.  Chacun a son uniforme, bleu d’un côté, banlieue nord-est de l’autre. Le classique jogging tranche d’ailleurs un peu avec les façades du quartier huppé. Mais, loin du jugement esthétique, son utilité n’est plus à démontrer dans ce genre de situation. Légèreté du textile, souplesse et dextérité optimale. Au premier plan, la vitesse du saut gonfle la toile grise que l’on imagine déjà humide de transpiration. Le cauchemar de l’aérodynamique. 

On comprend à présent l’utilité du fameux « trou de boulette » qui, à l’instar du vide dans la banderole, casse la prise au vent du survêt’. Et l’analyse du ballonnement de ce pantalon autorise deux hypothèses : soit son propriétaire ne fume pas, soit il est très adroit.  Les volutes d’air dessinent sur le tissu un joli jeu d’ombres et lumières. Presque du De la Tour, version guérilla urbaine en vol plané, altitude : un mètre vingt. L’atterrissage est prévu dans moins de deux secondes. Pas forcément un landing kiss d’ailleurs. 
Pourtant, dans l’instantané du cliché, le temps est resté suspendu à cette paire de jambes pour le moins aérienne. Le point d’appui est incertain, mais pourquoi pas ce toit de voiture plutôt tentant. Et, après l’extase suscitée par la beauté du geste, cette question logique qui découle. Pourquoi certains ont-il préférés les capots et pare-brise à l’asphalte pour ce quatre cents mètre un peu forcé ? Pas certain que ça soit plus rapide. Mais au moins Attila passe et occupe tout l’espace. 

L’herbe ne repoussera pas, de toutes façon c’est du bitume, mais sur le chemin, 7 commerces sont pillés et une quinzaine de véhicules dégradés. En tout cas selon la version de la préfecture de police à la statistique parfois un peu phocéenne.